La dégustation du Sistrot du 10 mars 2022.
Lorsque nous avons programmé cette dégustation, nous nous réjouissions de sortir enfin de l’incertitude covidesque qui nous gâchait trop souvent le plaisir. Hélas c’est depuis un tout autre fléau qui s’est levé à l’Est de l’Europe. De notre petit coin de Cornouaille nous sommes impuissants à peser sur le cours des événements. Tout juste peut-on si nous le pouvons, manifester notre solidarité et offrant des produits de première nécessité, en les portant pour les uns sur une frontière ou pour les autres en accueillant des réfugiés. Notre petite assemblée s’est modestement joint à ce mouvement en ajoutant à son programme du jour un cidre venu d’Ukraine car oui, ce beau pays est également un pays du cidre.
Ad Astra – Poiré – Antoine Marois – Cambremer – 75 cl – (?)%vol.
Probablement un de ces essais non commercialisé qui arrive au Sistrot afin d’encourir le jugement de notre honorable réunion. Ici nous connaissons l’auteur et savons qu’il s’agit de poiré, mais pour le reste nous verrons bien. Au service la pâleur attendue d’un poiré est bien là, un peu voilée cependant surtout en fond de bouteille, nous indiquant que le produit n’est pas filtré. Au nez c’est assez évolué avec des notes biscuitées qui masque la poire. En bouche c’est conforme à la promesse du nez, équilibré avec une dominante acidulée et un soupçon d’astringence, mais cela manque de corps et la finale ne tient pas longtemps.
Casus Belli 2020 – cidre tranquille – Antoine Marois – Cambremer – 75 cl – 7%vol.
Joli service et belle présentation habillant le verre de courtes larmes. Le nez est assez discret, mais au bout d’un court moment vient une minéralité fumée avec de douces notes de pommes. La bouche est bien équilibrée avec de l’acidité initiale laissant doucement monter l’amertume. Il y a juste ce qu’il faut de corps, de la longueur et l’expression d’un très beau travail. On regrettera, sans aucune véhémence, qu’il ne soit pas un tout petit peu plus charnu. Casus belli signifie littéralement “cas de guerre” et désigne normalement un acte de nature à motiver une déclaration de guerre. Loin de tout cela ici et ce cidre tranquille n’a causé aucun désaccord dans l’assemblée.
Renard 2.0 – 75 cl.
Sans autre signe distinctif que le nom commun des canidés Vulpes vulpes, un goupil facétieux, Normand semble t’il, a laissé cette bouteille au Sistrot. Une ruse qui lui permettra de se reconnaître. Le service est superbe, du moins pour les premiers verres car là encore ce n’est pas filtré, avec un bel effet de mousse et une jolie couleur dorée. Au nez, sur une pomme une peu évoluée, une senteur de poivre monte immédiatement. Et cela se confirme en bouche, le poivre titille les papilles. L’ensemble est bien équilibré avec de la fraîcheur, du fruit et de la longueur poivrée. Du fond de son terrier, le renard a bien travaillé, dommage qu’il s’y cache.
Chute de barrique – cuvée spéciale de l’Apothicaire – Clohars Carnoët – 75 cl – 5%vol.
Un cidre à la présentation rustique assumée avec une bouteille où le dépôt se remarque un peu. SI les derniers verres tirés du flacon sont un peu troubles, le service est agréable avec un bel effet de mousse et une belle couleur dorée. La prise de mousse naturelle donne comme attendu un nez présent, rustique voir évolué, avec de la pomme, du fût et les parfums caractéristiques des vergers locaux. En bouche c’est fruité, un peu gras et équilibré à la manière des cidres traditionnels de ces campagnes. On regrettera seulement un petit manque de charpente raccourcissant d’autant la fin de bouche.
Extra-brut à la fleur de houblon 2020 – Ferme de Beau-soleil – Matignon – 75 cl – 7%vol.
Sympathique étiquette “Vintage” et belle présentation au service. Comme quelques uns des échantillons précédents, la fin de la bouteille et un peu troublée. Au nez le houblon est évidemment présent et domine la pomme alors que passent à intervalles de petites effluves savonnées. La bouche est est étonnamment sucrée acidulée pour un extra-brut. Le houblon est bien présent, mais s’efface rapidement. La finale assez courte confirme le pommage utilisé entre fruits doux et acidulés et laisse une curieuse petite impression savonnée.
Le jardin de la Reine – Domaine Sicera – Eturqueraye – 75 cl – 10%vol.
Il est toujours agréable pour une maison cidricole de s’appuyer sur une tradition bien établie et le Domaine Sicera peut se flatter d’un fuit à cidre, la pomme Caillouel, découverta en 1886 par l’aïeul de l’actuel producteur. Notre flacon cependant n’en contient pas, c’est un monovariétal de Petit Jaune, vieilli 6 mois en fût de “chenin” du Val de Loire. La présentation est impeccable avec un bel effet de mousse et des bulles agiles. Le nez est puissant, minéral et laisse peu de place au fruit. En bouche c’est sec et acidulé avec cependant suffisamment de corps. parfaitement exécuté, ce cidre fait penser à un vin voir un crémant de pommes et se rapproche de quelques productions du Pays d’Othe. C’est évidemment à conseiller avec les poissons et fruits de mer.
Ice-cider – Berryland – Kyiv (Ukraine) – 75 cl – 7,5%vol.
Le producteur Vitalii Karvyha est un œnologue Ukrainien de grande réputation qui travaille aussi bien la pomme que le miel. Il se trouvait à Varsovie pour le “Mead Madness Cup” avec le Concarnois Sylvain Le Cras qui nous a rapporté cette bouteille, lorsque les Russes ont envahi son pays. C’est peu de chose, mais il nous a semblé qu’il fallait que nous dégustions son cidre de glace afin de lui témoigner notre soutien. Il s’agit la d’une interprétation douce de cette spécialité canadienne, Vitalii Karvyha s’attachant à produire des boissons à la fois peu alcoolisées et savoureuses. Au service cela donne de jolis verres habillés de couleur paille. Au nez la pomme cuite propose des senteurs flatteuses de tatin juste sortie du four. La bouche, douce et équilibrée apporte des notes de miel sur un fond délicatement citronné. Une très belle réalisation qui démontre toute la maîtrise du producteur.
Ce fut une belle soirée, ponctuée comme dans une certaine bande dessinée, d’un repas animé qui nous a permis de visiter la nouvelle carte du Sistrot. Remerciements à Erwan Gire du Sistrot qui officiait en maitre de cérémonie, à Ronan Gire revenu pour un soir sur le théâtre de son activisme cidricole, à Sylvain le Cras de l’hydromelerie Ô la Butine, à Erwan Le Loupp de la Cidrerie de Ponterec, à Messieurs Brigant père & fils, exceptionnels représentants du cidre amateur en Pays Bigouden, à Christian Toullec de la Cidrerie Melenig, à Claude Le Brun cidrier amateur et harpiste émérite. La soirée était évidemment dédiée à l’Ukraine et à Vitalii Karvyha que nous espérons tous savoir bientôt en paix autour de ses abeilles et pommiers.
La dégustation du Sistrot du 9 novembre 2021.
Il s’avère compliqué d’organiser des dégustations pendant la saison des récoltes. Ce fut donc une petite session dans la bonne humeur et l’accueil toujours chaleureux de l’équipe du Sistrot. Il s’agissait pour l’occasion de tester des bouteilles venues du Portugal et un mystérieux essai déposé en toute discrétion par un des grands noms de la carte du Sistrot, dont il est notable de constater qu’elle s’agrandit d’année en année. Erwan Gire saura faire retour de ses impressions au producteur. Pour clore la séance, nous avions un cidre basque rapporté d’une pérégrination estivale en Pyrénées occidentales.
Alfa – Sidraalfa – Carrazeda de Ansiães (Portugal) – 33cl – 7,5%vol.

Un cidre qui nous vient de Carrazeda de Ansiães, au nord du Portugal sur la rive nord du Douro. C’est un cidre plat à peine perlant et parfaitement clair et pâle. Le nez est minéral avec un pointe de silex et l’insistance du sulfite. En bouche c’est sec et acidulé. La puissance en alcool est bien là. C’est un vin de pomme parfaitement maîtrisé et destiné à des régions aux cieux moins humides que ceux de la Cornouaille.
Letra – Sidraalfa – Carrazeda de Ansiães (Portugal) – 33cl – 7,5%vol.

Produit par la même maison que le précédent, il ne renie pas sa parenté. La différence tient à un vieillissement en fût de chêne. Il est également pâle et à peine perlant. Le nez atteste du passage en fût, mais si l’on devine la vanille, le sulfite et quelques traces oxydées lui font concurrence. En bouche c’est encore sec avec de l’astringence et un petit coté bois vert trahissant la jeunesse des fûts. Cela étant il tient bien au palais. Un cidre pour la table.
Peste & Sidra – Musa – Lisbonne (Portugal) – 33cl – 4%vol.

La brasserie artisanale Musa, connue à Lisbonne pour ses nombreuses collaborations, nous sert ici un cidre élaboré en …France. Il a la couleur et la pétillance d’un cidre français. Pour le reste le nez de pommes cuites laisse penser à une production pasteurisée, impression confirmée par une bouche sucrée acidulées dont l’effervescence ne semble guère naturelle.
Hermine 2.0
Sous ce nom de code, il y a un cidre qui nous vient de Cambremer, haut lieu du Pays d’Auge cidricole. Il s’agit d’un essais comme le Sistrot en reçoit régulièrement. Certains de ces prototypes ont donné naissance à de belles cuvées.
La présentation est presque parfaite, très jolie couleur et une belle effervescence qui a toutefois causée quelques débats, les uns la trouvant une peu courte au contraires des autres. Le nez est agréable avec du fruit, mais également un peu de bois qui nous fit suspecter un passage en fût. En bouche l’équilibre est acidulé avec un peu d’amertume et une petite note d’astringence surtout perceptible sous le fruité de la finale. Cette dégustation fut assez longue, nos dégustateurs s’essayant à imaginer la nature du breuvage ayant précédé le cidre dans le fût. Nous n’avons évidemment pas la réponse, mais il ne s’agit probablement pas d’une origine exotique.
Zapiain – Astigarraga, Gipuskoa (Euskadi). – 75 cl – 6,5%vol – Année 2020.
Zapiain fait partie des grands noms du cidre basque et est établi à Astigarraga qui est au cœur de la zone cidricole du Gipuskoa depuis des siècles. Parfaitement typique des cidres de sa zone cidricole, il est plat et se doit d’être servi dans un verre ad-hoc avec le bouchon pévu à cet effet. Il importe en effet d’aérer ces cidres au service afin de les apprécier au mieux.
C’est évidemment un cidre au nez acétique avec pierre à fusil et traces de pamplemousse. En bouche, c’est sec, acidulé et acétique dans la plus pure tradition basque. Évidemment ces cidres s’apprécient à table, avec l’omelette à la morue, la pièce de bœuf et les soupes, une gastronomie qui se révèle dans les chaleureux (et parfois interminables) repas au cœur des cidreries.
Remerciement à Franck Brigant venu spécialement de Rennes, à Valerie Simard du Cidref descendue du nord de la Cornouaille, Erwan le Loupp de la cidrerie de Keranterec. Remerciement à Erwan Gire qui nous recevait et avait préparé les flacons destinés à la soirée.
La dégustation du Sistrot du 29 juin 2021.

Cela fait un an que ces réunions n’avaient pas pu se tenir, la faute à un petit grain de sable dont les effets ont quelque peu chamboulé les habitudes de tout un chacun et permis au dirigeants de la planète de maintenir sous cloche les populations, à tel point qu’une grande majorité de citoyens Français n’ont pas su retrouver le chemin des urnes lors des récentes élections, petits virus, grands effets peut-on constater. Tout vient à point cependant pour qui sait attendre et le Sistrot est toujours là avec sa belle carte des cidres, sa cuisine raffinée, sa sympathique équipe et la bonne humeur d’Erwan Gire. Ce dernier avait précieusement conservé les bouteilles mises en réserve pour nos réunions. À noter que l’impossibilité de se déplacer a réduit nos occasions de dénicher de nouveaux cidres, mais nous avons l’été pour y remédier (nos réunions ne sont organisées ni en Juillet ni en Août). En tout cas notre petite équipe, à la différence des électeurs des deux précédents week-ends, a facilement retrouvé sa route pour une dégustation de rentrée variée et nous faisant voyager de l’Ouest Américain à l’Est de l’Europe en passant par l’Angleterre, le Pays Basque et l’Auvergne.
Afton Field.
2Towns Ciderhouse – Corvallis, Oregon (USA) – 37,5cl – 6,4%vol.
Un cidre fermier américain élaboré à base de pommettes et pommes traditionnelles (Wickson-crab, Newtown-pippin, etc.) cultivées en Oregon, fermenté avec des souches de levure sauvage et vieilli en fût de chêne (Brettanomyces ajoutées à l’embouteillage). Inspiré par les cidres fermiers des pionniers de l’Ouest, Afton Field témoigne de la ténacité de ces colons et de la longévité de leurs vergers.
À l’œil nos dégustateurs l’on trouvé pâle dans le verre et juste perlant. Au nez le bois et la Brettanomyces sont bien présent, mais la pomme reprend ses droits avec le temps. En bouche, après une belle acidité initiale il reste assez léger et bien équilibré. La finale un peu fruité ne dure pas. Au final un produit bien fait dont nous attendions un peu plus de caractère, mais la bouteille dont nous disposions avait un peu d’âge (2014).
Lancombe Rising.
West Milton Cider – Bridport, Dorset (UK) – 37,5cl – 5%vol.
Un cidre nature à effervescence naturelle élaboré à base des meilleures variété de pommes du Dorset en clarification haute par gélification des pectines (chapeau-brun), permettant une fermentation (avec les levures indigènes) lente et favorisant les saveurs. Un cidre primé en 2017 au British Cider Championships.
À l’œil nos dégustateurs l’ont trouvé jaune orange pâle avec un légère effervescence. Au nez la pomme est présente, un peu fumée avec des notes de poires et des traces de caramel. En bouche, l’attaque est souple avant de laisser s’exprimer une rondeur flanquée d’une belle acidité qui s’estompe cependant pour laisser un sillage moyennement long de fruits vaguement caramélisé. Un produit maîtrisé bien dans l’esprit du cidre des pubs anglais (vivement que l’on puisse y retourner).
Sicero.
Cydr-Ignaców – Ignaców, Błędów (Pl) – 50cl – 7%vol.
Cidre demi-sec, Sicero est un voyage dans une rusticité pomologique qui rassemble des anciennes et rares variétés cultivées en Pologne, des Kaiser-Wilhelm, Reine-des-reinettes, Ribston-pippin et Landsberger-reinette. Les pommiers y coulent des jours tranquilles dans un vieux et beau verger créé dans les années 1930 à proximité de Ignaców, village du pays de Grójec, la plus grande région européenne productrice de pommes. Cydr Ignaców est la première cidrerie artisanale de Pologne.
Nos dégustateurs ont apprécié sa couleur saumon et son effervescence mesurée. Le nez un peu oxydé fait penser à quelques vins rosés avec de petites notes de fruits rouges. En bouche, l’attaque est fraîche et acidulée avec un peu de corps quand l’amertume s’exprime. On retrouve une finale les notes de fruits et de fraises des bois.
Jabłkowity.
Cydr-Ignaców – Ignaców, Błędów (Pl) – 50cl – 7%vol.
Jabłkowity (qualifie la robe pommelée d’un cheval), est un cidre demi-sec élaboré à base de variétés de Mazovie (Région au sud de Varsovie où se trouve Grójec et Ignaców), anciennes et modernes, cultivées dans les régions de Grojec et de Rawa près d’Ignakow, où sont élaborés les cidres. Afin de conserver sa pleine saveur, ce cidre de pomme (comme cela disait en Pologne du cidre) n’a pas été filtré et peut présenter un léger dépôt dans la bouteille. Première cidrerie artisanale de Pologne, les cidres y sont élaborés selon une méthode classique avec fermentation des jus frais en automne et une maturation en hiver.
Nos dégustateurs lui ont trouvé une présentation très similaire au précédent avec un nez oxydé aux notes de pommes mûres. L’attaque fraîche laisse rapidement place à une bouche acidulée moyennement charpentée avec une finale acide un peu aigre, un peu astringente, dans un sillage légèrement fruité. La dégustation montre que le Cicero et le Jabłkowity sortent bien de la même maison dont il faut saluer le travail pionnier en Pologne.
Maison-Rouge.
Cidre Mathias Faurie – Molière, Dordogne (F) – 75cl – 5,5% vol.
Maison-Rouge est un cidre pur jus, demi-sec, au noix de Dordogne élaboré par Mathias Faurie installé depuis 2018 à Molière où il dispose d’un verger de 5 hectares planté de variétés locales. Il y produit ce cidre à la noix et un autre à la châtaignes, ingrédients qui sont dans les deux cas broyés et mis à macérer dans de l’eau de vie de pomme avant d’être assemblées aux cidres à l’heure de la prise de mousse.
Nos dégustateurs ont noté dans le verre une belle couleur et une effervescence mesurée. Au nez la noix laisse doucement place à la pomme, aux fragrances de liqueur d’alcool et à quelques traces mentholées. En bouche la noix est très présente au point de presque masquer la pomme et on y retrouve ces petites notes mentholées. La finale de noix est prégnante. Si l’idée est intéressante il semble cependant que ce cidre est à réserver à l’apéritif ou au cocktail.
Dabinett SVC.
Ross on Wye Cider and Perry – Ross on Wye, Herefordshire (UK) – 75cl – 8,4%vol.
Broome Farm à Ross on Wye où est produit ce cidre est un haut lieu du cidre artisanal Anglais et un des piliers des “Three Counties Cider an Perry Association” avec qui le Cidref entretient de bonnes relations. Le verger comprend une belle collection de variétés à cidre et la maison s’est spécialisée dans les cidres mono-variétaux. Le Dabinett SVC est un cidre fermenté à sec, obtenu avec la seule et très réputée variété Dabinett, fermenté deux mois en fût d’Armagnac avant d’être soutiré pour une maturation optimale de six mois puis embouteillé.
Nos dégustateurs ont noté sa belle couleur orange et la tranquillité d’un verre de cidre plat. Au nez les notes fumées et boisées masquent assez le fruit. La bouche est sèche, puissante, presque rude avec une présence marqué du fût et de l’armagnac. La finale est astringente et fraîche. C’est bien un cidre de caractère pour la table et le Pub.
Le Gourmet.
Topa – Bidart, Pays basque (F) – 75cl – 6%vol.
Cidre basque atypique, le Gourmet est produit par Topa, une cidrerie créé à Bidart en 2016 avec l’ambition d’un pas de coté par rapport la tradition, tout en portant haut et fort les valeurs du pays. Il se veut plus rond en bouche et moins sec que le cidre brut traditionnel de la maison. Topa est une formule utilisée au moment de trinquer dans tout le Pays Basque, de la Soule à la Biscaye. A noter à moins de vingt kilomètres de Bidart, le Domaine d’Abadia à Hendaye dont la collection variétale abrite près de deux cent variétés de pommes.
Nos dégustateurs en ont apprécié la présentation jaune paille, vivante et effervescente. Au nez un peu agressif, il propose du fruit sur des notes évoluées. La bouche acidulée reste relativement douce avec une finale de fruits acidulés. Ce cidre propose une alternative facilement accessible à la grande tradition du Pays Basque dont il s’écarte cependant de la typicité.
Nous reprendrons nos dégustations en septembre car il est difficile de s’organiser l’été dans une zone aussi touristique que le Sud-Cornouaille. Il était toutefois important de retrouver le chemin du Sistrot avec ces sept cidres et une réunion qui fut à fois studieuse et joyeuse. Passé les découvertes, nous avons pu visiter la carte du restaurant en compagnie d’un poiré Vulcain, élaboré en suisse par Jacques Perritaz. Remerciement à Marine et Brieug Saliou de la cidrerie de Kermao, Valerie Simard du Cidref, Christian Toullec de la cidrerie Melenig, Paul Coïc de la cidrerie Coïc, Erwan le Loupp de la cidrerie de Keranterec. Remerciement à Erwan Gire qui nous recevait et avait préparé les flacons destinés à cette soirée.
A galon ganeoc’h – Mark Gleonec.
Portrait de pomme-RKbi02
Cette variété n’est ni en voie d’extinction, ni trop affectée par le changement climatique. C’est une pomme appréciée dont il faut cependant vérifier le pH(1). Réputée originaire du Pays Fouenantais, ses fruits sont souvent ronds, de calibre moyen et se présentent en sorte de grappes le long des branches, ce qui est assez sympathique.
Les arbres sont rustiques, plutôt vigoureux et érigés. La productivité est bonne, mais assez marquée par l’alternance. La floraison intervient début mai et les fruits arrivent à maturité tardivement, au plus tôt à partir de la mi-octobre.
C’est une variété douce-amère, comme généralement en Pays Fouenantais. Le rendement sous la presse est dans la bonne moyenne, la densité est bonne, le jus est coloré, sucré, avec des saveurs et une pointe d’acidité agréables. Quelques cidriers l’utilisent d’ailleurs, en assemblage, dans leur jus de pomme. Elle participe également à l’élaboration d’excellents cidres. Son jus est réputé permettre une belle clarification, ainsi que le notait déjà en fin de XIXe siècle J.F. Crochetelle, qui la classait parmi les meilleures variétés du cru local.
Son nom est intéressant car il peut être compris comme une description immédiate du fruit ou comme un reflet de libertinages bucoliques, heureux ou contrariés.
Littéralement, cela donne Rous (roux) koumoul (nuage) bihan (petit), ce qui correspond bien au fruit qui est petit, vaguement roux (quoique tirant vers le doré) avec des nuances de couleurs pouvant faire penser à des nuages.
Il existe toutefois un autre sens plus ancien de Koumoul dont on trouve trace dans un manuscrit de Dom Louis Le Pelletier (1663-1733). Le mot serait utilisé pour sombre ce qui donnerait Rousse-sombre-petite, parfois conforme à l’aspect de la pomme, mais pourrait rappeler une contrariété liée à la variété, ou à son fruit.
En effet le mot s’écrivait Koumoulenn anciennement et quelques fois comme assez récemment sur le plan initial du Verger Conservatoire de Penfoulig à Fouenant. Si le sens premier du mot est toujours nuage, il peut désigner une jolie fille, un sens que l’on retrouve chez Youenn Drezenn dans son Intron Varia Garmez, mais également une préoccupation, un nuage dans la pensée et donc quelque chose de moins gai. Serait-ce alors le souvenir du ressentiment d’un galant éconduit ?
Il faut se garder d’interprétation hâtive, mais en tout cas la Rous-koumoul-bihan(2) une bien jolie pomme.
1 – Le pH (potentiel Hydrogène) est un indicateur d’acidité des moûts dont la valeur influe sur les réactions biochimiques lors de la fermentation. Un pH bas prolonge le temps d’inoculation de la bactérie Zymomonas Mobilis, responsable du Framboisé, et augmente le rôle protecteur du SO2. La Framboisé rend le cidre impropre à la consommation.
2 – Il existe une Rous-koumoul-bras (Roux-nuage-grand), une pomme à deux fins (consommation et jus) parfois utilisée en cidrerie et assez proche en apparence de la Rous-koumoul-bihan. Ce genre de pomme n’est pas isolée, la tradition cornouaillaise ne disposait pas de variétés acidulées, mais avait recours en cas de besoin, à ces pommes rustiques et paysannes tenues pour variétés à deux fins et dont les noms sont quasi-exclusivement en Breton. Cela les différenciait des pommes à croquer bourgeoises des Manoirs et Châteaux aux noms quasi-exclusivement en Français.
© Mark Gleonec (textes & photos).
Portrait de pomme-BK01
À l’heure où pour des raison d’efficacité économique, les vergers de production réduisent leur panel de variétés à ceux les plus demandés, de nombreuses voix s’élèvent pour rechercher dans les collections de sauvegarde celles qui demain pourraient apporter des couleurs, des arômes et des saveurs nouvelles, voire simplement palier aux effets du changement climatique qui avance chaque année un peu plus les périodes de floraison et de récolte. Il semble donc intéressant de donner le portrait de fruits moins répandus ou moins connus de la campagne cornouaillaise, qui peuvent être encore utilisés ici où là.
Il s’agit strictement d’une mise en valeur de l’important fond variétal que nos anciens ont rassemblé, les informations données sont le résultats de conversations sur le terrain.
Brizh-kannig
Variété de pomme à la réputation contrastée, la Brizh-kannig est une pomme dites “à deux fins”, originaire de Bannalec pour les uns, du Trévoux près de Quimperlé pour les autres (tout cela reste cependant dans le même secteur). Au XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe, elle était cultivée et expédiée par wagons entiers en Allemagne où elle entrait dans la préparation d’apfelkraut (marmelade). Elle convient cependant tout aussi bien à la fabrication de jus de pomme. Son jus très clair, moyennement abondant, bien dense et nanti d’une belle acidité en fait également un fruit utile pour équilibrer certains assemblages. Elle est enfin réputée permettre l’élaboration d’un cidre mono-variétal se rapprochant de celui obtenu à partir de la Guillevic avec selon les anciens la particularité de “faire son cidre toute seul”.
Il est facile de comprendre que les conflits mondiaux de la première moitié du XXe siècle ont affecté ses expéditions outre-Rhin. Sa culture a donc bien déclinée et c’est aujourd’hui un fruit en voie d’oubli. Néanmoins, malgré quelques défaut, elle propose des arguments assez intéressants pour mériter que l’on s’y arrête. Elle est portée par des arbres rustiques au port érigé, à la vigueur moyenne et à la période de floraison en première quinzaine de mai. La productivité est bonne et relativement peu affectée par l’alternance. Les fruits sont moyens à gros, chutent en fin septembre et arrivent à maturité dès le début d’octobre (ce qui permettait d’en coupler l’expédition avec celle des choux destinés à l’Est de la France). Ils donnent un jus très clair, moyennement abondant, mais dense avec une belle acidité. Outre sa capacité à donner un bon cidre mono-variétal, c’est donc un fruit utile pour équilibrer les assemblages. Son utilisation est cependant freinée par une conservation assez courte, ce qui ne permet pas toujours l’assemblage souhaité et qui a probablement généré de nombreuses protestations du temps où elle s’expédiait par wagon (pas sûr que le lot soit toujours arrivé en bon état).
En réalité son nom nous prévient de cela. Il peut se traduire par petit-éclat. En effet si l’adjectif Brizh signifie bien tacheté, rayé ou moyennement placé après un mot, il devient un préfixe péjoratif quand il est placé devant. Kannig est un diminutif de Kann qui exprime le blanc éclatant, l’éclat ou la splendeur (une personne habillée de son plus beau vêtement, se verra qualifier de Kann).La Brizh-kannig, comme de nombreuses pommes, dispose sur la peau d’une pellicule de cire naturelle pouvant briller dans certains cas, peut-être plus que les autres. Le nom était donc tout trouvé et avons un fruit qui fait le beau et brille sur sa banche, mais une fois cueilli ou ramassé au sol, il ne lui faut pas longtemps pour perdre de sa superbe. Au final cela ressemble à une version champêtre du “Tout ce qui brille n’est pas or”.
On trouvera dans la Pomologie du Finistere de J.F. Crochetelle, paru en 1905, dans le Tombé dans les pommes, de L. Tréhin, H. Guirriec & J.P. Roullaud, paru en 2014 aux Éditions Locus-Solus des descriptions de cette pomme. Il en existe des arbres en collection au Verger de l’Association Arborepom d’Arzano, au verger du Manoir de Kernault et au Verger de conservation du Cidref.
Marvailhoù an traezh-bev
En septembre 2012 le macgleoblog racontait cette histoire de skell (car il manque quelque chose à ce dessin pour qu’il représente vraiment une aile / askell). On trouvera à l’adresse suivante : https://www.macgleo.com/blog/2012/09/05/une-histoire-de-skell/ ce que cela donnait en ce temps là. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis et le temps de la retraite (fort occupée) étant arrivé, les esquisses et dessins se sont accumulés. Il se trouve qu’avec l’ami Claude Le Brun, nous avons continué à travailler (un peu) quelques contes (harpe & voix) qui ont tous le bord de mer pour cadre et racontent les Yann ’n aod, Huître bleue ou Les droits de l’homme, entre autres histoires salées. De tout cela a fini par émerger une série Marvailhoù an traezh-bev (les merveilles de l’estran) qui peut prendre des décors de fond différents suivant les utilisations et suivant les sujets. Cependant, les douze sujets de cette présentation sont disposés sur un fond unifiée (de simples spirales doubles), avec juste un titre.

1 – Ahes, priñsez Kêriz (Ahès, la princesse de la ville d’Ys). Suivant les versions de l’histoire elle peut également être appelée Dahut. Cette jeune femme, victime d’un infanticide encouragé par un individu présenté comme “saint”, aimait bien faire la fête. On notera que de ce point de vue les choses n’ont guère évoluées depuis l’époque supposée de cette histoire, de jeunes femmes subissent encore la furie de certains hommes et des jeunes gens aimant faire la fête se retrouvent encore en prison pour cette simple raison.

2 – Ar soner war ar varrikenn (le sonneur sur la barrique). Il s’agit d’un clin d’œil à mon vieux camarade Jean Yves Le Pape, trop tôt disparu, dont la dextérité instrumentale s’est exprimée au binioù-kozh, à la cornemuse écossaise et surtout au uilleann-pipe irlandais dont il fut un des meilleurs spécialistes en Cornouaille. JeanYves était de Tréguennec, petit village du long cordon dunaire de la baie d’Audierne où nous allions parfois arpenter la grève en refaisant le monde.

3 – Ar vag e-toull an inizi (le bateau dans la direction des îles). Dans les mouillages du fond de la baie de La Forêt, les bateaux larguant leurs amarres mettent cap au sud, en direction des Glenan, on ne peut guère faire autrement. Il y a cependant une autre raison qui date du temps où l’archipel n’était pas encore un “spot” touristique, mais plus simplement une zone de pêche et une escale d’autant plus appréciée que les autorités n’y étaient pas encore assez présentes pour faire taire les fêtards.

4 – An avalenn-nij (le pommier volant). Extrait d’un conte pour enfants (petits et grands) que l’on peut visionner à partir du macgleoblog https://www.youtube.com/watch?v=xjiuqXnAiac , ce pommier volant devrait connaître de nouvelles aventures. En attendant, il a tout a fait sa place dans cette série ou le fantastique et le rêve côtoient des histoires parfaitement véridiques. On notera que ces dessins datent de 2015 et le triskell original d’où sont issus bien des sujets de cette série, ouvre le générique.

5 – Barrikenn an traezh-bev (la barrique de l’estran). C’est ici une illustration de cette histoire que racontaient les anciens cidriers du Faou (on est ici vers le nord de la Cornouaille) à propos des bateaux qui venaient prendre des barriques de cidre tout au long de l’Aulne maritime afin de livrer Brest (le Leon produit des légumes, mais peu de cidre). Après quelques échanges très doctes sur les pommes et le cidre, ils en arrivaient toujours à évoquer ces chargement parfois épiques, cela dépendait de la marée, et les histoires de fûts tombés à l’eau. Que l’on se rassure aucune de ces futailles n’a été perdues, mais quelques cidriers en ont été quitte pour un bon bain.

6 – Un den-teñva war an aod (un dégustateur sur la plage). Ce dessin s’appelle également le nez dans le verre, une pratique qui fait partie de la gestuelle de l’art de la dégustation. Il se trouve que de très bonnes bouteilles de cidre proviennent de cidreries jouxtant la mer. Cela n’est pas seulement vrai en Cornouaille, d’autres terroirs, bretons, normands et ailleurs n’ayant de ce point de vue rien à nous envier. Si quelques restaurants et crêperies de la côte proposent de grand cidres à leur carte, une dégustation en fin de matinée en bord de plage c’est toujours un bon moment.

7 – Evnigoù Kêriz (les oiseaux de la ville d’Ys). Un tableau du Musée des beaux arts de Quimper montre Grallon et Gwenole abandonnant Ahès au flots. Une raison suffisant pour convoquer des oiseaux du large assez effrayants pour convaincre fuyards de l’horreur de leur crime. À l’origine, ces oiseaux ont été imaginés pour illustrer le Le Songe de Ronabwy, un conte gallois au cours duquel les oiseaux d’Owein attaquent les chevaliers d’Arthur, mais ils ont semblé assez méchants pour s’attaquer aux fuyards de la ville d’Ys.

8 – Gwrac’h an enez Loc’h (la Sorcière (où la fée) de l’île du Loc’h). C’est le titre d’une légende bretonne où les protagonistes sont des Leonards courant avidement après la fortune et s’en remettant à quelques “Saints” de leur catalogue (la Cornouaille est pour les Leonards un lieu de perdition). Une autre histoire, cornouaillaise pour le coup, entretient la légende de Houman, un Vikings qui aurait fait naufrage sur l’île du Loc’h et y aurait caché un trésor, le laissant sous la garde du fantôme d’une princesse Viking.

9 – Baleer traezh Kermil (le promeneur de la plage de Kermil). C’est un vieux rêve de musicien de la côte sud, aller jouer à la grande marée basse sur l’estran, un air suffisamment mélodieux et dansant afin de pouvoir admirer les sirènes se trémousser sur les flots. C’est pour cela qu’il peut vous arriver d’en croiser scrutant la grève à la recherche du meilleur endroit pour s’installer. Ah oui, les sirènes ne se laissent approcher que la nuit à la condition que la jauge soit réduite au minimum et que l’on respecte la distanciation réglementaire.

10 – Maen-sav Gwirioù mab-den (le menhir des Droits de l’homme). C’est l’exact profil de la pierre dressée sur la plage de Kanté à Plozevet. Ce monument a été érigé par Elie Pipon, un officier Britannique qui fut sauvé lors du naufrage du “Les droits de l’homme”, le premier navire lancé par la jeune République Française et qui faisait là son voyage inaugural. Avec Claude Le Brun, nous donnons une version (harpe et voix) de cette histoire, vue par Elie Pipon. Il est incroyable, eut égard au nom du bateau, que ce soit un Anglais qui ait pallié au désintérêt des autorités Françaises pour les centaines de victimes de cette tragédie.

11 – Marivorgan (la sirène) On ne sait à quoi ressemblent les sirènes mais elles doivent disposer d’assez d’arguments pour qu’aucun de leurs admirateurs ne soit revenu d’en avoir croisé une. On peut donc tout imaginer, ce qui est certain c’est qu’elle éclairent toujours les fonds marins de leur resplendissante lumière. Celles du monde celtiques n’échappent pas à la règle et nos légendes prétendent que ces femmes de la mer (plus généralement de l’eau) sont responsables de la disparition de bien des héros (elles connaissent cependant parfaitement la route pour l’île d’Avalon).

12 – Yann an aod (Jean de la grève). Ce personnage légendaire est tout simplement l’équivalent de l’Ankou sur les cotes bretonnes. Comme son alter-ego des campagnes, c’est le dernier disparu de l’année qui se charge de la besogne toute une année suivante. En l’occurence c’est lui qui précipite à l’eau les matelots en mer, fait tomber du quai les imprudents et retient trop longtemps les pêcheurs à pied quand revient le flot. Notons que ceux qui s’en sont amusé n’ont guère connu le succès, il y avait ainsi une boite de nuit à ce nom dans mon village, ça n’a pas duré bien longtemps.

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Pommes “Médailles”

Il existe un peu partout des pomme dites Médaille-d’Or ou Médaille-d’Argent. A l’origine, il semble que ce soit un concours de pomologie qui ait initié ces noms. Auguste Truelle (1849-1928) agronome et vulgarisateur scientifique, spécialiste des fruits à cidre, rapporte en effet que dans les années 1860 fut organisé un concours dont l’objet était de récompenser une pomme dont le jus attendrait la densité de 1100. La compétition fut remportée par un certain M. Godard, des environs de Rouen qui évidemment baptisa sa variété Médaille-d’Or afin de lui assurer le plus grand prestige. Pour autant, la polémique sur la réalité de la densité 1100 dure depuis. Les Médaille-d’Argent ont évidemment une gloire un moins grande, mais ce sont tout de même de bons fruits à cidre. À noter que ces pommes ne peuvent être d’origine cornouaillaise ni leur “invention” ancienne car leur noms sont en Français.

En pays Fouesnantais la médaille-d’or-Plomelin est très prisée des cidriers. Il n’est pas certain que son origine soit la rive occidentale de l’Odet, mais les producteurs locaux disent avoir obtenu des greffons à Plomelin. Ils s’en félicitent tous car la productivité de l’arbre est bonne et peu affectée par l’alternance.
Origine : Inconnue, mais les explemplaires connus sont issus de Plomelin. Arbre : Élevé et vigoureux au houpier large et moyennement dense. Floraison : tardive en deuxième quinzaine de mai. Fruit : Cône arrondis moyen à gros. Couleur et chair : moyennement parfumée aux saveurs equilibrées. Récolte : Tardive (novembre), les fruits se conservent bien. Utilisation : cidre, en assemblage avec des variété tardives.

La Médaille-d’Argent-Cap-Coz, dont Penfoulig abrite quatre spécimens,est une bonne variété, au point que le plan initial du verger, établi en1989, mentionne deux Medaille-d’argent et deux Médaille-d’or, mais ce sont exactement les mêmes arbres et les mêmes fruits. Les greffons ayant été collectés dans des fermes différentes, on peut en conclure que les prétentions de l’une et de l’autre n’étaient pas du même niveau. Quoi qu’il en soit c’est une excellente pomme tardive et sucrée productive une année sur deux à cause d’une alternance sévère.
Origine : Fouesnant. Arbre : vigoureuse boule anarchique moyennement dense. Floraison : assez tardive en troisième semaine de mai. Fruit : Petit cône oblongs allongés. Chair : moyennement ferme, fine, sucrée et parfumée sans acidité ni amertume. Récolte : tardive (novembre), les fruits se conservent bien. Utilisation : cidre en assemblage avec des variété tardives.
Chacun pourra retrouver dans le Boré & Fleckinger (P.530), la description de la Médaille-d’or de M. Godart. Le site du Pôle Fruitier de Bretagne (https://polefruitierbretagne.fr) donnant la description de la Médaille-d’argent-Cap-Coz et d’une Médaille d’or.

C’hwerv-gwenn

Ce n’est cas un cas isolé, les pommes, à cidre ou à croquer, voyagent et bien souvent leur nom change, surtout si les langues d’usage des paysans-cidriers diffèrent. La C’hwerv-gwenn l’illustre bien et nous offre en prime de consulter d’anciennes descriptions montrant un fruit finalement assez stable dans le temps (au gré des variantes, clones et mutations cependant). Très présente dans tout le Sud-Cornouaille, son origine est inconnue, mais il est acquis qu’il s’agit d’une variante de la Blanc-Mollet, une variété à cidre très courante sur de nombreux terroirs cidricoles de l’Hexagone depuis plusieurs siècles. Bien que réputée d’origine inconnue, son nom Blanc-Mollet est peut-être en rapport avec Claude Mollet (1557/1647), éminent architecte-jardinier et auteur du Théâtre des plans et jardinages, ouvrage précurseur de l’aménagement du jardin d’agrément.

Les arbres manquent généralement d’un peu de vigueur, ils sont érigés et assez étalés avec un houppier anarchique et peu dense. Ils sont assez résistants, y compris à la tavelure. Leur bonne productivité est toutefois altérée par une alternance marquée. Les fruits, plutôt petits mais parfois moyens, sont semi-hâtifs (parfois hâtifs). Ils restent accrochés à leur branche tant qu’il n’y a pas trop de vent et se conservent plutôt bien au sol. Le jus coloré, sucré et peu amer, permet d’élaborer, si les fruits sont à la bonne maturité, un bon cidre mono variétal, mais ils sont en général utilisés en assemblage.
D’excellente réputation, la C’hwerv-gwenn est attestée de longue date en Pays Fouenantais où cohabitent plusieurs variantes assez proches. À contrario, en Pays Bigouden, on peut trouver des C’hwerv-gwenn-Peurid, C’hwerv-gwenn-Gwenac’h et une variété assimilée, la Per-skav, qui sont sensiblement différentes, alors qu’en Vallée de l’Aulne et à Braspart la C’hwerv-gwenn-ar-Faou semble plus proche.

Son nom signifie littéralement “amer-blanc” que l’on pourrait également considérer comme “amer-sage” car le mot “gwenn” prend le sens de “sage” ou de “sagesse” quand il est utilisé dans un nom. On peut cependant penser que ce nom est simplement inspiré par le nom en Francais (sans le deuxième terme Mollet) car la pomme est bien de couleur blanche ou du moins très pâle. Le “c’hwerv” s’imposait car l’amertume est parfois assez prononcée et peut difficilement être qualifiée de sage.

Caractéristiques : Les valeurs ci-dessous sont des moyennes obtenues à partir de relevés étalés sur un siècle, avec des échantillons provenants de vergers très différents. Ces chiffres ne sont donc pas très précis, les conditions d’analyse a largement variées. Ils montrent cependant une relative homogénéité.
Rendement en jus sous le pressoir 60 %. Densité : 1060. Acidité totale : 1,45 g/l d’acide sulfurique.. Amertume (polyphénols totaux) 2,70 g/l d’acide tannique. Période de floraison : Hâtive. Période de maturité de brassage : Hâtive (suivant les variantes). Type cidricole : Douce-amère.
On trouvera dans Pommier à Cidre, J.M. Boré & J. Fleckinger, 2002 (p. 146-148), dans Du pommier au cidre, C. Jolicœur, 2016 (P. 73-74) ou Pommes et cidre en Cornouaille, Mark Gleonec, 2019 (p. 48-40), des notes récentes sur La C’hwerv-gwenn et la Blanc-Mollet.
À la page 424 de son Traité des Fruits tant Indigènes qu’Exotiques (1839), Jean François Couverchel écrit ; “Pomme blanc-mollet, douce, amère; bonne espèce, très productive; cidre bon qui se conserve longtemps, pays d’Auge, Eure.–Douce Morelle d’Aumale, Grande Vallée, Gournay pays de Caux, Roumois, Oise.”
Ci-dessous les pages 447 et 448 de Le cidre, (1875) de L. de Boutteville & A. Hauchecorne.


Ci-dessous les pages 4, 5 et 6 de l’Atlas des fruits à cidre, (1896) d’A. Truelle.



Ci-dessous l’article de Crochetelle Sur la c’hwerv-gwenn paru dans l’Union Agricole au début du XXe siècle (Avant la parution en librairie, il fit paraître son étude par article chaque vendredi dans ce journal).

À noter également que la Bibliothèque des Champs Libres à Rennes conserve les Archives des Vergers expérimentaux de l’École d’Agriculture des Troix-Croix de Rennes, dont une planche datant de la période 1882-1910, représente un Blanc-Mollet.

AFALLEN, la genèse du spectacle

Afallen, le pommier en Breton ancien, est un titre inspiré par un poème du barde Myrddyn, Marzhin écrit-on en Breton moderne. Il n’existe à ce jour que de rares copies du poème Afallenu dont l’origine remonte au VIe siècle. Pourtant ce document est un mythe de Bretagne dans l’histoire des hommes. Il illustre un pommier, lien symbolique entre le monde des vivants et celui des morts. Popularisé comme la Prophétie de Merlin par les celtisants du XIXe siècle, le texte est un pan d’une légende Arthurienne mille fois reprise et adaptée dans le monde entier.
À l’heure du retour en grâce de la boisson de pomme, ce fut une évidence de s’emparer de ce mythe pour raconter l’histoire du pommier et de son fruit, de la boisson que les hommes en ont extrait et enfin d’illustrer la fraternité que le fruit, comme la boisson, ont inspiré en Cornouaille et ailleurs. Afallen est né d’une rencontre avec Dominique Le Guichaoua, l’accordéoniste de Dremmwel, groupe musique à danser bretonne participant à de nombreuses collaborations avec des musiciens du monde. Nos rencontres, chez l’ami Jakez Burel, chanteur de Kan ha Diskan, mais également cidrier à cette époque, voyaient des musiciens du groupe venir animer des journées festives à la cidrerie alors que j’y racontais ce que je sais de l’aventure du cidre. C’est là que Dominique eut l’idée de fusionner l’histoire, le conte et la musique dans un spectacle .

La pomme et le cidre ne sont cependant pas des exclusivités bretonnes, l’histoire du fruit commence dans les montagnes d’Orient, vient jusqu’aux rivages d’Occident avant de s’élancer vers les nouveaux mondes. La chronologie du cidre n’est pas en reste et raconte un cheminement de l’homme sur les sentiers du goût. Longtemps carrefour des échanges au milieu de la mer d’Occident, la péninsule armoricaine s’est toujours enrichie du savoir de ceux qui fréquentent ses côtes. Ces échanges ont influencé les saveurs d’un cidre assez original pour que ses vergers le soient également. La propension naturelle des Bretons pour le conte a fait le reste avec des histoires et des chansons qui magnifient à leur manière les saveurs de ces boissons.

Afallen est donc un conte musical déroulé après une ouverture disant la légende du cidre des Bretons. Légende car la boisson est aussi ancienne que l’humanité. Nous avons d’ailleurs très vite chercher a accompagner le spectateur tout au long du spectacle par une voix du conte, en l’occurence Céline Poli, replaçant nos illustrations poétiques et musicales dans l’histoire vraie. Fil conducteur de ce voyage dans le temps et l’espace, Rosie Burdock, personnage emprunté au roman Cider with Rosie de Laurie Lee*, nous entraîne sur l’ancienne Route de la Soie, sur les chemins de Compostelle et à la quête du vrai cidre.
Premier acte, le voyage de la pomme, parle du trafic de fruits depuis le Tian- Shan et ses forêts primaires de pommiers, jusqu’à la péninsule Ibérique. Il évoque la rencontre des pommes d’Orient avec celles des arbres d’Occident sous lesquels Marzhin s’est reposé après la défaite d’Arderyd, nous offrant cet extraordinaire poème.
Deuxième partie, la navigation du cidre, raconte la quête des greffons d’Espagne entreprise par les Bretons et les Normands afin d’élaborer nos cidres modernes. Elle rappelle le rôle des Abbayes telle celle de Landevenneg réputée pour son rôle dans la sélection des pommes à cidre.

La troisième partie, célébration est un chapitre festif où le conte s’amuse de la convivialité des concours de cidre, non sans prévenir à sa manière des risques liés à l’abus de boissons dans les tavernes. C’est également l’occasion de partir vers de nouveaux mondes pétillants où la pomme enrichit chaque jour le cidre de nouvelles propositions.
Bien évidemment un tel projet ne se fait pas à deux. Il faut d’abord un théâtre pour le soutenir et nous devons à Frédéric Pinard, Directeur de l’Archipel à Fouesnant, d’avoir très vite donné l’impulsion qu’il fallait pour qu’Afallen voit le jour, un soutien partagé par l’équipe qui l’entoure. En parallèle du travail écriture car il s’agit bien d’une création originale**, Dominique a réuni une petite équipe d’acteurs et musiciens. Outre Céline Poli, sont venus Jean Marc Lesieur, vieux routier de la scène bretonne, avec son cistre et son inventivité musicale, Marin Lhopiteau, le harpiste de Dremmwel et Raymond Pérès, sonneur bien connu, avec ses flutes, binious, bombardes et Uillean-pipe.

Afallen sera donné le 26 septembre 2020 à 21H l’Archipel en Fouesnant. Réservations: 02 98 51 20 24 / www.archipel-fouesnant.fr Toute la semaine précédant le spectacle, des animations autour du pommier de la pomme et du cidre se succéderont à l’Archipel : https://mailchi.mp/ville-fouesnant/vendredi-06-mars-2231790?fbclid=IwAR2Mbwd5AiZcUU-PD0Xv72uq-NmOQlj1-H2tCzb3HfQ543KfE8IeLCK2HfY

*Laurence Edward “Laurie” Lee (1914 – 1997) est un poète, romancier, et scénariste anglais.
** Tous les contes et intermèdes sont en Français, les chansons sont selon le sujet en Breton car la culture des paysans cidriers de Cornouaille est en langue bretonne ou en Anglais car le cidre est une boisson du monde.
Les hasards d’un jour sans soleil.

Il pleuvait sur Kergouïlh, la rudesse des averses avait émoussé les ardeurs des ramasseurs de pommes et seul Lanig Feo irait peut-être jusqu’à son verger. Il était un peu plus d’une semaine après la Sant-Mikael et la récolte avançait doucement. Une première part des pommes était au sol à cause d’une de ces dépressions dont l’océan savait gratifier les côtes. Un premier prélèvement avait pu se faire dans la bonne humeur des débuts de campagne, mais avec la détrempe des vergers la suite promettait d’être moins plaisante. Louiss Garv, la doyenne du village, avait prophétisé que les pluies ne cesseraient pas avant la mi-janvier.
N’y voyant pas à dix mètres, Lanig remit à plus tard ses projets et s’arrêta chez Fañch Dous dont la maison au centre du hameau tenait lieu de point de ralliement les jours d’ennui. Ces deux là, aussi goapaer l’un que l’autre étaient d’accord sur à peu près tout. Pour autant, chacun avait sa définition du cidre avec un avis différent sur l’équilibre entre amertume et douceur. Fañch alla remplir un pichet et peu enclin à s’inquiéter encore du temps, il questionna son koutreï sur sa dernière aventure alors qu’il revenait de la foire, une histoire occultée par l’actualité météorologique et dont le hameau avait été peu informé. En réalité rien d’extraordinaire, juste une tentative de vol dont la haute silhouette de Lanig avait rapidement mis fin.
Fañch s’amusa de la carrure de son ami, la comparant à celle d’Hélias, un grand costaud dont les exploits avaient pour théâtre les tavernes. Là dessus ils vidèrent d’un trait une pleine chope de cidre. À cet instant Mari Flour rentra de son marché, la cape et le chapeau dégoulinants à tremper l’entrée du logis. Le temps de s’en débarrasser et de poser ses cabas, nos deux gaillards furent informés des dernières nouvelles du village, à dix minutes de vélo de Kergouïlh. Youenn kozh était mort la nuit d’avant, paisiblement, dans son sommeil, deux jours après ses quatre-vingt-quinze ans. Le terrassier de la paroisse se demandait si l’enterrement pourrait avoir lieu car avec toute cette pluie le trou au cimetière serait rempli en moins d’une heure et le mort pourrait se noyer.
Lanig et Fañch se promirent d’accompagner le vieux vers sa dernière demeure. L’homme possédait un beau verger et comme à son âge il ne s’en occupait plus, ils allaient l’entretenir avec deux autres paysans. En échange, ces quatre là pouvaient prendre les pommes. Fañch avait quelques inquiétudes sur la pérennité de l’arrangement. Il remplit à nouveau les chopes et tout deux saluèrent la mémoire du vieil homme. Il se souvint alors de sa presse hydraulique, dont un joint menaçait de rompre et devait être réparée avant la nouvelle campagne. Lanig, ancien chef-mécano à la pêche et bon connaisseur de ces machines était la personne pour le faire. Ils descendirent par l’arrière de la maison afin de rejoindre au sec le bâtiment où se trouvaient la cidrerie, le chai et la boutique, ouverte seulement en été.
Mari n’en était pas fâchée, mais elle les rattrapa dans l’escalier afin d’inviter Lanig a déjeuner en échange du service. Elle ajouta avoir croisé Pesked-fresk, à qui elle avait acheté de la lotte, il y en aurait donc au repas. Pendant que nos deux gaillards s’activaient autour du pressoir, elle se mit aux fourneaux. Les poissons de son ami pêcheur étaient toujours frais, mais il fallait les apprêter. Or une lotte à peine sortie de l’eau réclame du temps et du doigté afin d’en tirer les beaux morceaux. Cela ne l’empêchait pas de surveiller la cuisson des légumes, de monter une sauce au cidre et de préparer un pilaf de riz à sa façon. Seule en sa cuisine, Mari remplissait la pièce de ses allés et venues. Elle aimait cuisiner et appréciait tout autant le bon ordonnancement de la table du repas. Tout en disposant le couvert, elle sortit un kouign-amann de belle taille, préparé la veille. Elle s’inquiétait du hors d’œuvre quand on toqua à la porte.
C’était Naol Trenk, un vieil ami de Fañch. Un de ces gars de la côte qui se disent deux fois paysans car ils travaillent une ferme trop petite pour en vivre et à coté une ferme aquacole. Naol faisait des huîtres et des moules à Toull-silioù. Il s’était arrêté à tout hasard afin de proposer ses huîtres, invendues au marché où la pluie n’avait pas arrangé ses affaires. Une aubaine se dit Mari, contente d’avoir une entrée digne de son menu improvisé. En voyant Naol trempé et déçu de sa matinée, elle l’invita également, lui expliquant que Lanig était déjà là, à fistouler le pressoir. Ce devait être sa première bonne nouvelle de la journée. Il prit un peu de temps avant d’accepter se demandant s’il avait encore du sec dans sa camionnette. Rassemblée par le hasard d’une journée sans soleil, cette tablée là pourrait bien remplacer l’astre du jour.
Naol, rompu à l’exercice, ouvrit rapidement les huîtres, laissant à Mari de temps d’aller chercher les deux mécaniciens qui en avaient évidemment fini avec le joint de la presse, mais pas encore avec la visite du chai. Ils furent enchantés de savoir leur ami de la partie et pour une fois se dépêchèrent. Fañch fit tout de même une courte halte dans ses réserves afin de choisir un Lambig car sa compagne avait pris le temps de cuisiner et deux de ses bons amis étaient là. Il lui fallait se montrer à la hauteur avec un vrai melikass. Ce n’est pas un cocktail anodin et Mari, le trouvant un peu violent l’avait adapté et rendu accessible aux palais délicats. Pour cela elle utilisait une crème de cassis rapportée un cousin expatrié en Bourgogne et un sirop de canne à sucre rapporté des Antilles par un voisin marin au commerce. Le Lambig, eus ar c’hentañ, était celui de Fañch. Il fallait cependant une certaine pratique pour parvenir aux dosages précis capables de transformer la préparation en un agréable moment de dégustation.
Chacun s’extasia sur le parfait équilibre du cocktail, puis La pluie s’imposa dans la conversation. En réalité, il n’y avait pas grand chose à faire à part prendre son mal en patience et attendre que se taise le tambourinement des gouttes sur les toits de Kergouïlh. Sur son exploitation ostréicole, Naol en souffrait doublement. À la merci des grandes marées poussées par les vents et gonflées par les précipitations, il raconta comment il lui fallait prévenir tous les problèmes. Pendant ce temps, les verres s’étaient vidées, Fañch aurait bien repris du melikass, mais l’heure avançait et à ce rythme ils passeraient l’après midi à table. Il était temps de s’attaquer aux huîtres, sorties de l’eau le matin même. Naol avait retrouvé un carton de son cidre sec, une cuvée qu’il élaborait avec des pommes relativement tardives dont la mise en œuvre coïncidait avec la pleine saison des huîtres, compliquant des journées de travail déjà bien longues.
Lanig et Fañch étaient assez réservés sur ce choix de la boisson, mais Mari argumenta l’avoir déjà expérimenté chez une copine et avoir trouvé l’accord parfait. Elle imposa donc son choix à la tablée, ajoutant que cela n’empêcherait pas Kergouïlh de garder sa place parmi les références du cidre amertumé. Indifférents à ces débats, deux plateaux d’huîtres se faisaient face sur la table du repas. D’un coté des creuses élevées avec soins, de l’autres des plates dont l’affinage était la fierté du producteur. Intarissable sur ses passions, il présenta les huîres et enchaîna avec le cidre, un assemblage de guillevig et dous-bihan. C’est la cuvée d’il y a trois ans précisa t-il en habillant les verres d’une robe pâle, limpide et à peine effervescente. Le nez, frais et minéral s’habillait d’agrumes et d’épices. Un ange passa sur la table puis Fañch lâcha un “pas mal” qui valait tous les dithyrambes d’œnologues de salons. L’assemblée porta le verre aux lèvres dans un bel élan, ce fut un peu plus long, la fraîcheur l’emportait avec un équilibre doucement acidulé et le sillage délicatement fruité apportait un soupçon d’astringence. Les sourires et les mines réjouies résumèrent ce que l’on pouvait en dire. Fañch se frotta les mains, se servit en coquillages et invita la tablée à en faire autant, avant de se plaindre de la faible contenance de son verre. Dehors, la pluie battait toujours, avec peut-être un peu moins d’intensité.
Chacun mit du sien pour débarrasser les écailles. Récupérées par Naol elles retourneraient à la mer selon la pratique des gens de l’estran. Lanig apporta une bouteille de sa production, un brut de deux ans où les proportions de pommes amères et douces, des c’hwerv-brizh-glas, chwerv-ruz-mod-kozh, dous-bloc’hig et trojenn-hir, avaient été soigneusement comptées afin d’obtenir l’exacte balance des saveurs. L’énumération des avantages comparés des variétés tardives du canton prit un peu de temps si bien que Mari arriva avec ses plats avant même que les verres ne fussent remplis. Cent petits cubes de lottes brillaient sur un lit de légumes où le fenouil le disputait au curry. Tout cela sentait bon, il fut précisé, sans conviction, le caractère facultatif du riz. Dans un saucier une préparation au cidre attendait de faire son effet. Mari fit le service et Lanig fut autorisé à présenter son cidre. Dans la clarté dorée de sa robe limpide dansaient de fines bulles, au nez la pomme se mesurait à l’agrume et sous les fruits pointaient des notes de miel, de girofle et de grains torréfiés. En bouche, l’attaque souple et soyeuse faisait rapidement place à une franche vivacité mâtinée d’amertume laissant au palais un long sillage de fruits. La sauce au cidre fit le lien, les verres s’agitèrent de rapides mouvements de marées et les langues se délièrent en histoires de voyages et d’élections municipales à venir. La lotte pendant ce temps subissait le sort des préparations appréciées et des généreuses portions il ne resta plus rien.
Personne ne s’aperçut de l’intensité mollissante de la pluie. Il faisait bon dans la pièce où le feu n’avait pas faibli depuis le matin. La maîtresse de maison arriva avec son gâteau réchauffé comme il faut et découpé en portions gourmandes. Fañch avait sorti un cidre doux de sa spécialité où n’entraient que des kroc’henn-ki et des dous-moen, parfaitement adapté au kouign-amann car si le sucre appelle le sucre il ne faut pas tout alourdir et ce cidre là avait su rester léger. Dès l’ouverture, le doux parfum des fruits remplit l’espace rendant inutile ce rite ancien de plonger son nez dans le verre. Ces derniers mués en lampes éclairaient la table de l’éclat doré-orangé du nectar. En bouche il s’ouvrait en souplesse sur une chaude amplitude laissant doucement s’installer une longue traine fruitée. Le gâteau était excellent, Mari ne pouvait trahir l’honneur de sa grand-mère Douarneniste. Cependant cela commençait à faire beaucoup, même pour des paysans habitués aux repas roboratifs. Le café fut bienvenu, les hommes optèrent pour un kafe-kreñv qui se transforma en kafe-koeffet car il restait encore des histoires à raconter. Mari se contenta d’un kafe-seurez et au fil de la conversation elle en vint à parler des mystères de Kergouïlh au temps où des moniales y tenaient hospice.
Lanig remarqua que ce déjeuner improvisé leur avait permis de passer en revue une part de ce qu’il est possible d’élaborer avec les pommes à cidre d’un même canton, puis il s’aperçut que la pluie avait cessé et que le ciel se dégageait, il invita donc la tablée à une promenade digestive jusqu’à son verger.
©M.Gleonec2020 – Kroaz-avaloù d’an 15 a viz eost 2020

Note : Cette histoire est la version courte d’un conte gourmand “Dous, C’hwerv & Trenk” (à paraître un jour peut-être), imaginé alors alors que l’objectif était de s’en tenir strictement à la dégustation du cidre (parfois la plume se laisse aller). Que l’on se rassure cependant ce précis de dégustation, nourri d’une longue expérience des cidres d’ici et d’ailleurs, devrait paraître dans les mois qui viennent.