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De quoi cidre est-il le nom ?

Au moment un monde politique, sous pression de lobbies agissant pour d’anciennes gloires du cidre de tradition ainsi que pour des “innovations” étonnantes, s’accapare l’autorité à définir un produit de longue tradition dont Pline l’Ancien, Carolus Magnus, J. Le Paulmier, J. Worlidge et J.M. Trowbridge, pour ne citer que ceux-là, ont toujours affirmer qu’il est fait de pommes, il faut rappeler que cette boisson participe, comme bien d’autres breuvages et nourritures de longue tradition, à la fois d’un domaine agricole, d’un monde économique et d’une réalité culturelle.

Il importe donc de connaître à minima le message contenu dans ce “vin de fruits” qui comme la bière et l’hydromel, est un legs des balbutiements de l’humanité. Boisson des campagnes isolées là où le grain et la vigne peinaient à produire, boisson secourable quand le grain suffisait à peine à permettre le pain, quand la vigne subissait les colères du ciel, elle a toujours su rappeler aux humains que la pomme dont elle est issue, est le fruit de la paix, du savoir et de l’amour.

Le hasard à voulu que je vienne au monde dans un merveilleux pays du cidre où le nectar de mon village, qu’un poète de la fin du XIXème chanta en termes élogieux, a toujours été mon quotidien. Il y a un bon demi-siècle cependant il fallut se rendre à l’évidence que son aura avait pâti. Avec une petite poignée de personnes du cru, décidée à y remédier, nous avons entamé une longue marche.

Cela fait donc un bout de temps que je milite pour la boisson de pommes en m’intéressant entre-autre, à ce qui fait la typicité culturelle d’un cidre. Oui, le cidre, sistr, sidra, sagardo, Apfelwein, cider, son nom change suivant la langue qui le chante, s’il est bien l’expression d’un verger et l’œuvre d’un cidrier, il est évidemment le marqueur culturel de ses grands terroirs .

Il est difficile aujourd’hui de ne pas s’apercevoir que le cidre a gagné les faveurs de nouveaux consommateurs et qu’il est devenu un “marché en croissance”. Il est cependant imprudent de porter cette dynamique au crédit des paysans et artisans dont les productions restent marginales dans un monde où les brasseurs internationaux se taillent la part principale, profitant de la bienveillance de règles permissives voire inexistantes dans certains pays.

Sans spéculer sur les qualités de telle ou telle boisson de pommes, la lecture des étiquettes, là où la loi oblige à informer le consommateur, fait rapidement apparaître des ingrédients assez éloignés de l’image de “boisson nature” véhiculée par le cidre. Il est donc légitime de s’interroger sur la pertinence du “boisson faite avec du jus de pommes fermenté”, des définitions populaires et de l’instructif “Vinum è pomis facticium” (Vin de pommes fait de la main de l’homme) donné en commentaire du mot Sicera par Pline l’Ancien au tout début de notre ère.

De quoi cidre est-il le nom ? est donc une question qu’il est légitime de se poser. Faut-il encourager ses mille usages actuels, au risque de marginaliser les paysans et artisans, héritiers des traditions et garants de la “réalité” de la boisson de pomme, au risque également d’appauvrir la diversité des variétés de fruits pour n’en garder que les plus économiquement pertinentes, au risque de faire disparaître des particularités culturelles encore vivantes.

Avant de prétendre esquisser des pistes pouvant enrichir le débat, il paraît utile de s’intéresser à ce qui est aujourd’hui connu de l’histoire du cidre comme de celle de sa matière première. Il est important d’en savoir un minimum sur les pommes à cidre de la planète et de connaître dans leur principe les différentes méthodes d’élaboration des boissons de pommes. Il semble enfin indispensable de s’imprégner des symboliques anciennes et modernes du fruit et de son arbre, qui sont toujours les fondements de nombreux chemins de vie.

Pas question cependant de réponse tranchée, ce n’est pas le rôle du conteur, même si une ancienne vie de “communicant” m’a enseigné les limites de la “réclame”. Pour autant, des années de quête cidricoles m’ayant offert de croiser l’excellence, le mercantile ou le surprenant, j’en ai rapporté assez de matières pour offrir à ceux qui le souhaitent, des informations pouvant être utiles.

Ce modeste “Blog” n’est pas l’endroit pour les développer, mais avec un peu de chance, un petit livre sera disponible à l’heure où sortirons des chais, les cuvées issues de la récolte a venir. 

Dégustation à Alpe Gorza – Torgnon – Valle d’Aosta

Mark Gleonec