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La dégustation du Sistrot du 18 juin 2019.

Cette réunion aurait dû se tenir plus tôt dans le mois, mais divers événements tel le Concours des Cidres de la Maison Cidricole de Bretagne (https://www.maisoncidricoledebretagne.bzh/palmares-du-5eme-concours-regional-des-produits-cidricoles-de-bretagne/), occupaient trop nos dégustateurs habituels. Cependant, cette date un peu tardive ne nous assura pas d’une assemblée fournie car outre les examens et autres gaités de fin d’années scolaire, la saison touristique est déjà là et elle promet de bien occuper les membres de notre petite assemblée. Qu’à cela ne tienne, de nouveaux visages étaient là et ce fut une fort belle soirée. Avant de jouer de l’œil, du nez et des papilles, nous avons évoqué l’actualité des vergers qui n’est guère enthousiasmante car les frimas du printemps ont bien réduit la probabilité d’une récolte abondante. Bien que nous ne saurons que dans quelques semaines l’étendue des dégâts, il y a toutes chances que cela affecte les volumes du futur millésime sans pour autant nuire à sa qualité. Loin de ces soucis, cette réunion nous a fait voyager. Nous avons commencé par un poiré, un cidre breton, puis un cidre aromatisé normand avant d’embarquer pour les Asturies et finir sur une rareté irlandaise.

Cuvée Pùr – Kystin – 2% vol, 75 cl, R.2018

Il s’agit bien d’un poiré dont on peut constater que le regain est certain en Bretagne, où la tradition était autrefois centrée en Kreiz-Breizh. Du temps de nos années d’étudiants à Nantes, un des garçons de notre joyeuse bande rapportait parfois de chez lui, à Séglien (56), quelques bouteilles de Sistr-per (cidre de poire) qui étaient fort appréciées.

Connu pour son cidre à la chataigne, la Maison Kystin de Vannes (56) avait annoncé ce poiré depuis quelques temps. Dans le verre, il est peu actif mais très joli avec sa couleur pâle presque translucide. Le nez est assez puissant, un peu minéral avec une poire bien présente. La bouche est franche, l’attaque fait la part belle au fruit avant de faire place a une acidité évoquant les bondons de notre enfance. L’ensemble est cependant doux avec une longueur fruitée. 

La Taloche – Lemasson – 7% vol, 75 cl, R.2018

“Cidre au houblon, le beire du L’masson”, nous prévient l’étiquette de cette cuvée spéciale de Lemasson à Cametours (50). Le cidre au Houblon est une tentation fréquente chez les producteurs Ciders aromatisés, mais le Sistrot avait également concocté l’an passé, avec la Cidrerie Kermao, une petite cuvée de cidre cornouaillais aromatisé au houblon qui s’est très rapidement écoulé.

Au service, sa couleur orange est un peu voilé et il reste peu actif dans le verre. Le nez est très puissant avec une nette présence du houblon sur des notes évoluées qui masquent quasiment la pomme. En bouche l’attaque est acidulée et laisse rapidement s’installer une amertume que certains ont jugé déséquilibrée, traduisant ainsi un déficit d’homogénéité de l’ensemble qui est assez souvent la marque des cidres aromatisés. La Taloche, par ailleurs bien exécuté, ne déroge pas au genre.

Duché de Penthiève – Benoit – 5% vol, 75 cl, R.2018

Cela fait un moment que la cidrerie Benoit à Lamballe (22) communique sur cette cuvée spéciale vieillie en fûts de chêne champenois sous la Collégiale de Lamballe. L’initiative est intéressante d’une part pour la futaille utilisée et le lieu chargé d’histoire où ces barriques ont séjourné. On notera que l’utilisation de fûts d’origines diverses est une pratique courante aux USA, mais cela concerne là-bas des cidre secs et peu fruités qui regagne ainsi du caractère.

Au service, sur une belle couleur orangée, il ya un petit effet de mousse et une effervescence mesurée qui devraient se révéler pleinement d’ici une semaine ou deux car la prise de mousse de notre bouteille ne semble pas encore totalement achevée. Au nez c’est riche et complexe, si la puissance est relative, le bouquet d’arômes propose du fruit un peu confit, de la noisette torréfiée, des notes d’agrumes avec un petit soupçon d’animalité. Tous nos dégustateurs y sont allé de leur commentaires ravis. En bouche c’est doux et bien équilibré avec une texture presque liquoreuse et une fin de bouche agréable. Il est probable que la puissance va s’affirmer d’avantage d’ici quelques semaines, mais en l’état c’est un beau produit que l’on verrait bien à l’apéritif ou sur du fromage.

Pomarina DOP – El Gaitero – 6% vol, 75 cl, R. 2017.

Pomarina, du Groupe El Gaitero, est élaboré à Villaviciosa aux Asturies. Ce pays est considéré par beaucoup comme le berceau de la cidriculture. Strabon (60 av.J.C. +20 ap.J.C.) déjà parle du Sizra, le Vin de pomme local qui deviendra Sidra vers le XVe siècle, un mot rapidement décliné en Citre (Français), Sistr (Breton) et Cider (Anglais). D’autres régions ont cependant continuer à parler de Vin de pomme, tel le Sagardo au Pays Basque, ou l’Apfelwein en Hesse. L’actuelle Principauté des Asturies est un des plus importants producteurs de cidre au monde et exporte principalement dans les Amériques (au nord comme au sud). Les cidres y sont très majoritairement élaborés à base de pommes fraîches ce qui a permis la mise en place d’une Appellation (D.O.P. – Denominación de Origen Protegida). Les Asturiens sont de gros consommateurs de sidra, il leur en faut aux alentours de 40 litres par an et par personne, et ce chiffre est bien supérieur dans une ville comme Xixón (Gijón).

Le Pomarina et un cidre tranquille fermenté à sec. Dans le verre il propose une très jolie couleur pâle parfaitement limpide. Le nez peu puissant est clair avec de la minéralité avec une légère trace acétique. En bouche cette minéralité le dispute à l’acidité avec un peu de bois, de fruité et un soupçon d’astringence. Il laisse un sillage frais. Quelques dégustateurs ont regretté un manque d’amplitude ce qui s’explique par le fait que ce cidre est l’exact opposé de ceux produits en Cornouaille. En tout cas c’est un cidre qui convient bien à l’accompagnement d’une gastronomie de la mer dont les Asturiens sont grands amateurs.

Villacubera (DOP) – Cortina – 6% vol, 75 cl, R.2013.

Un sidra natural de la maison Cortina à Villaviciosa. La ville est à une trentaine de kilomètres à l’est de Xixón (Gijón), et est réputée pour ses cidres. Celui-ci a la particularité d’être élaboré avec une seule variété, la Regona qui compte parmi les 22 variétés agréées de l’appellation Protégée Sidra de Asturias. La Regona, variété locale, est ici utilisée seule avec une macération lente et une fermentation à froid qui permet d’obtenir un cidre qu’il n’est pas nécessaire se servir de haut (escanciar) comme c’est généralement le cas aux Asturies.

Le Villacubera se présente comme un beau vin blanc dans le verre. Le nez, sans être très puissant est très agréable et engageant avec du miel, de la minéralité et de petites notes champignonnées. En bouche cela se vérifie avec un équilibre acidulé et frais et une finale assez longue et légèrement astringente aux petits accents de bois vert. Un bon cidre pour accompagner la réception et le repas de fête.

Double L – Real Cider – 6% vol, 50 cl, R.2016.

Les artisans du cidre sont peu nombreux en Irlande alors même que la consommation y est très soutenue. Le marché y est archi dominé par Bulmers-Magners et une filiale de Heineken qui sont des acteurs industriels internationaux. On y trouve cependant depuis quelques années un petit nombre d’opérateurs artisanaux pour élaborer des real ciders (vrais cidres) élaborés à partir de jus de pommes fraîches, en opposition aux industriels dont la matière première est bien souvent du concentré de jus de pomme. Parmi eux David Llewellyn établi à Lusk (Co Dublin).

Le Double L est un cidre quasi plat et très pâle dans le verre. Le nez étonne avec de la fleur de sureau, des notes de citron et des parfums assez évolués. En bouche, il est acidulé sans être agressif, mais manque un peu de volume et ne laisse pas un sillage très long. Il est probable que ce cidre issu de la récolte 2017 a un peu vieilli (il a également pas mal voyagé), pour autant c’est une découverte intéressante, aux antipodes des cidres industriels irlandais.

Les artisans du cidre cornouaillais accueillent tout l’été dans leurs ateliers. Retrouvez les sur le site : www.routeducidre-cornouaille.bzh

Les dégustations du Sistrot ne reviendront qu’en septembre car avec la saison touristique, il est difficile aux uns comme aux autres de trouver du temps pour ces réunions. Pour ceux de nos visiteurs de l’été qui s’intéressent aux cidres cornouaillais, la route du Cidre Cornouaille dispose d’un nouveau site internet dont la mise en ligne est imminente. Il est évidemment possible d’y retrouver les cidriers qui participent à ces dégustations. Mersi bras à Erwan et Ronan Gire du sistrot, nos hôtes, dont la carte des cidres rassemble ce qui se fait de mieux dans l’hexagone et quelques cidres européens de très belle facture.

Trugarez (merci) également à Valérie et Théo du Cidref, à Marine et Brieug Saliou de la cidrerie de Kermao, à Erwan de la cidrerie de Ponterec et enfin à Nolwenn et Matthieu de la cidrerie de l’Apothicaire qui nous rejoignaient à cette occasion.