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Quelque part, sur la planète cidre.

Il n’y a pas eu besoin d’attendre bien longtemps pour retrouver Claude Jolicœur quelque part sur la planète cidre. La semaine du cidre au Quebec suivait le Cider World de quelques jours, nous offrant ainsi l’occasion de découvrir les cidres que nous n’avions pas eu le temps de déguster sur place.

Le Québec a une place à part dans le monde du cidre. Le concentré y est banni et le cidre ici, c’est à partir de jus de pomme fraîches, point final. Certes ce sont souvent des pommes à couteau, mais ce sont des pommes. La raison en est simple, à une certaine époque, une réglementation trop laxiste permit à quelques industriels d’inonder le marché de boissons certes très accessibles, mais peu agréables à consommer. Le résultat fut un effondrement de la demande et la fin de l’histoire.

En toute fin de XXe siècle Christian Barthomeuf et Pierre Lafond eurent, chacun dans son coin, la même bonne idée du cidre de glace. Cela redonna un peu de lustre à la boisson de pomme, et l’aventure reprit son cours. Depuis, à chaque printemps, il s’en est écoulé de la neige fondue dans les rivières (nous avons pu “apprécier” la campagne gorgée d’eau). Il y a deux ou trois ans la filière cidricole locale brillait par son inventivité et l’usage pertinent du marketing pour investir les magasins de la SAQ. Cela ne se dément pas, mais quelques changements apparaissent.

Il commence à exister, comme dans beaucoup de pays, un noyau d’amateurs de cidre qui ne se satisfont plus des saveurs “marketées” des produits grand-public, même de belle facture. Ce que ces consommateurs plus exigeants recherchent c’est un vrai goût de pomme à cidre, qui n’aurait pas besoin d’arômes ou de sucres ajoutés.

Nous avons visité des vergers dans le sud, près de la frontière avec le voisin Étatsunien, des expérimentations sont en cours avec souvent des variétés à cidre d’origine anglaise, mais également quelques variétés indigènes. Il faudra du temps, mais le mouvement semble initié.

Nous avons visité une cidrerie où l’on travaille ce que l’on peut appeler un “cidre d’hiver”. Il s’agit, comme pour le cidre de glace, d’utiliser le froid pour mieux concentrer le sucre. Avec une prise de mousse en bouteille ce cidre est ensuite “ajusté” au cidre de glace lors du dégorgement et cela change tout. Nous avons également testé un cidre “sauvage”, c’est à dire utilisant des levures indigènes et des variétés moins acidulés. Là encore le résultat fait plaisir.

Et puis nous avons participé à notre manière à la semaine du cidre. Claude Jolicœur et Emile Robert (Cidrerie le Somnembule1) avaient organisé une journée avec des dégustations, des conférences et une matinée d’initiation au greffage. Ils attendaient vingt personnes, il en est venu cinquante et chacun d’eux est reparti avec un petit pommier greffé de la variété  à cidre de son choix (parmi 4 variétés locales).

Ces jeunes gens qui sont venus, expérimentent déjà pour certains, avec plus ou moins de bonheur, de la bière, du vin ou du cidre, mais ce qui les attire tous, c’est le pommier, un arbre capable à lui seul d’être un havre de vie et de donner chaque année son lot de pommes. Si avec quelques arbres, en dosant différentes variétés, on peut élaborer du bon cidre, oui cela vaut la peine. Une participante m’a dit: “nous on fera ce qu’on pourra, mais nos enfants auront déjà des pommiers expérimentés et nos petits-enfants, ils pourront faire du vrai cidre, avec des pommes d’ici”.

Dans la journée, nous avons pu “placoter” avec Yves, un ancien pépiniériste qui parcourt les Appalaches à la recherche de variétés sauvages dignes d’intérêt. Jusqu’ici, il cherchait plutôt des fruits à croquer, mais au cours de la discussion il s’est dit que certains fruits, déjà repérés, seraient probablement intéressants pour le cidre. Voilà une aventure sympathique qui me laisse à penser que nos anciens, en Bretagne, ont du faire la même chose, il y a juste cent ou deux cent ans d’écart.

D’ici que, dans quelques décennies, ce soit les cidriers du “Nouveau Monde” qui viennent chez nous parler de leur belle tradition cidricole. Nous n’en sommes pas là, mais chez nous, dans la vieille Europe, nous avons à défendre un cidre, inscrit au patrimoine de quelques pays. Or l’absence de définition sérieuse de ce qu’est vraiment le cidre, ouvre la voie à des interprétations qui si nous n’y prenons pas garde pourraient effectivement laisser un jour, cette possibilité à nos amis Québécois.

Ce fut un beau séjour, comme toujours un peu bref, pendant lequel nous avons vanté et parfois dégusté de l’AOP Cornouaille avec des Bretons  croisés dans des crêperies à Montréal2 ou à Québec3. Nous avons eu quelques inquiétudes car les grèves (d’avions et de trains) dans l’Hexagone contrariaient notre retour. Finalement tout c’est plus ou moins bien passé, mais flânant sur le port de Québec au matin du départ, nous nous sommes dit qu’en bateau: “c’est pas si pire”.

Merci à Monique, Luc, Zaché, Banou, Claude, Eve, Emile, et tous ceux croisés sur la route, pour leur accueil.

1 – www.lesomnambule.com

2 – www.obreton.ca

3 – www.facebook.com/CreperiebistroLeBillig/

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